Combien touche un cadre à la retraite : calcul de la pension, trimestres validés et impact de la carrière professionnelle

Pourquoi la retraite des cadres est un sujet à part

Un cadre ne prépare pas sa retraite comme un autre salarié. Salaire plus élevé, carrières parfois hachées, périodes à l’étranger, bonus variables, stock-options… Tout cela a un impact direct sur la pension finale.

En France, la retraite d’un cadre repose sur deux piliers :

  • la retraite de base de la Sécurité sociale ;
  • la retraite complémentaire Agirc-Arrco.

Comprendre le fonctionnement des deux est indispensable pour répondre à la question qui fâche : « Combien vais-je toucher à la retraite ? »

On va donc décortiquer le calcul, les trimestres, et surtout l’impact réel de votre carrière de cadre sur le montant de votre pension.

Les règles de base : âge, durée d’assurance et taux plein

Avant de parler montants, il faut poser le cadre légal. Depuis la réforme des retraites :

  • âge légal : 64 ans (avec montée progressive selon votre année de naissance) ;
  • durée d’assurance pour taux plein : jusqu’à 172 trimestres (43 ans), pour les générations les plus récentes ;
  • taux plein automatique : à 67 ans, même sans tous vos trimestres (mais la pension reste calculée sur la base de vos droits acquis).

Un cadre est donc concerné par trois questions clés :

  • À quel âge puis-je partir sans décote ?
  • Combien de trimestres vais-je valider au total ?
  • Sur quelle base de salaire sera calculée ma retraite ?

Comment est calculée la retraite de base d’un cadre ?

La retraite de base est gérée par l’Assurance retraite (régime général). La formule est la même pour tous les salariés du privé, cadres inclus :

Pension de base = Salaire Annuel Moyen × Taux × (Durée d’assurance régime général / Durée d’assurance requise)

Salaire Annuel Moyen : un point critique pour les cadres

Le Salaire Annuel Moyen (SAM) est calculé sur la moyenne de vos 25 meilleures années de salaire brut, plafonnées au Plafond de la Sécurité sociale (PSS).

Pour 2024, le PSS annuel est d’environ 46 368 €. Cela signifie que même si vous gagnez 90 000 € par an, pour la retraite de base, on ne retiendra que la partie jusqu’au plafond.

Exemple simple :

  • vous avez une carrière avec au moins 25 années à un salaire ≥ PSS ;
  • votre SAM sera proche du plafond : autour de 46 000 €.

Ce plafonnement explique pourquoi la retraite de base représente une part limitée de la pension totale d’un cadre. Le reste passe par la complémentaire.

Le taux : objectif 50 %

Le taux plein de la retraite de base est de 50 %. Vous l’obtenez si :

  • vous avez le nombre de trimestres requis pour votre génération ;
  • ou vous atteignez l’âge du taux plein automatique (67 ans).

Si vous partez avant avec un nombre de trimestres insuffisant, une décote s’applique. Elle est de 1,25 % par trimestre manquant, dans la limite de 20 trimestres (12,5 % maximum de décote).

Exemple :

  • vous partez à 64 ans, il vous manque 8 trimestres pour le taux plein ;
  • décote = 8 × 1,25 % = 10 % ;
  • votre taux n’est plus 50 %, mais 45 %.

La durée d’assurance : l’effet « carrière incomplète »

La formule intègre aussi un prorata :

Durée d’assurance régime général / Durée d’assurance requise

Autrement dit, si vous n’avez pas tous vos trimestres dans le régime général (par exemple, une partie de carrière à l’étranger ou dans un autre régime), votre pension de base est réduite en proportion.

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Exemple :

  • génération qui doit valider 172 trimestres pour le taux plein ;
  • vous n’avez que 160 trimestres dans le régime général ;
  • prorata = 160 / 172 ≈ 0,93 ;
  • même avec le taux plein, vous perdez environ 7 % sur la pension de base.

Combien touche réellement un cadre avec la retraite de base ?

Pour un cadre avec une longue carrière et un salaire souvent au-dessus du plafond :

  • SAM autour de 46 000 € ;
  • taux plein : 50 % ;
  • durée d’assurance complète.

Pension de base annuelle ≈ 46 000 × 50 % = 23 000 €, soit environ 1 915 € brut par mois.

C’est une moyenne théorique. Dans les faits, entre trous de carrière, années incomplètes, débuts de carrière modestes, beaucoup de cadres se situent plutôt entre 1 400 et 1 900 € brut / mois pour la retraite de base.

La retraite complémentaire Agirc-Arrco : le vrai levier pour les cadres

Pour un cadre, la retraite complémentaire représente souvent 50 à 70 % de la pension totale. C’est elle qui valorise les salaires au-dessus du plafond de la Sécurité sociale.

Le principe des points

La retraite Agirc-Arrco fonctionne par points :

  • vos cotisations (salarié + employeur) sont converties en points chaque année ;
  • au moment de la retraite, on fait la somme de vos points ;
  • votre pension = nombre de points × valeur du point.

En 2024, la valeur du point Agirc-Arrco est d’environ 1,42 € brut par an, soit environ 0,118 € brut par mois.

Si vous avez 30 000 points, votre retraite complémentaire sera donc d’environ :

  • 30 000 × 1,42 € = 42 600 € brut par an, soit environ 3 550 € brut / mois.

Cadre, non-cadre : quelle différence dans la complémentaire ?

Avant 2019, il existait deux régimes : Arrco (tous les salariés) et Agirc (cadres). Depuis, ils sont fusionnés en un seul régime : Agirc-Arrco.

En pratique, la différence subsiste via :

  • le niveau de salaire (les cadres cotisent davantage car ils gagnent plus) ;
  • les tranches de cotisation : Tranche 1 (jusqu’au PSS), Tranche 2 (jusqu’à 8 fois le PSS).

Plus votre rémunération est élevée, plus vous engrangez de points sur la Tranche 2, et plus votre retraite complémentaire monte.

Le fameux malus temporaire de 10 %

Un mécanisme a fait grincer des dents : le coefficient de solidarité, souvent appelé « malus de 10 % ».

Principe (pour les générations concernées) :

  • si vous partez dès que vous avez le taux plein au régime de base, votre retraite Agirc-Arrco peut être réduite de 10 % pendant 3 ans ;
  • si vous décalez votre départ d’un an, vous évitez ce malus ;
  • en cas d’invalidité, de handicap, de carrière très longue… il peut ne pas s’appliquer.

Autrement dit : pour un cadre, partir dès le taux plein légal n’est pas toujours optimal. Décaler d’un an votre départ peut vous faire gagner plusieurs centaines d’euros par mois pendant trois ans.

Exemple complet : combien touche un cadre type à la retraite ?

Imaginons un cadre avec le profil suivant :

  • carrière de 42 ans dans le privé ;
  • 25 meilleures années au-dessus du PSS ;
  • pension de base : environ 1 800 € brut / mois ;
  • nombre de points Agirc-Arrco : 26 000 ;
  • complémentaire ≈ 26 000 × 1,42 / 12 ≈ 3 075 € brut / mois.
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On obtient une pension totale brute d’environ 4 800 à 5 000 € / mois. En net, après CSG, CRDS, etc., on est plutôt autour de 4 000 à 4 300 € / mois.

Mais attention : c’est un profil de cadre supérieur avec carrière assez linéaire. Pour un cadre intermédiaire, la moyenne est plus souvent dans une fourchette entre 2 200 et 3 200 € net / mois, selon la stabilité de la carrière et le niveau des salaires.

Comment sont validés les trimestres pour un cadre ?

On oublie souvent que les trimestres ne sont pas liés à la durée de travail, mais aux revenus cotisés.

En 2024, il faut 1 690 € de salaire brut pour valider un trimestre. Vous pouvez valider jusqu’à 4 trimestres par an.

Un cadre à temps plein valide donc systématiquement 4 trimestres par an, même s’il ne travaille pas toute l’année (par exemple, embauche en mars ou départ en octobre), du moment qu’il dépasse le plafond de revenus requis.

Les trimestres peuvent être obtenus via :

  • activité salariée ;
  • chômage indemnisé ;
  • arrêts maladie, maternité, invalidité (sous conditions) ;
  • service militaire ;
  • rachat d’années d’études supérieures ou d’années incomplètes (dispositif de rachat Fillon).

Impact des choix de carrière d’un cadre sur la pension finale

Une carrière de cadre n’est pas toujours linéaire : expatriations, changements de statut, périodes en freelance, chômage de haut niveau… Chacun de ces choix laisse une trace sur la retraite.

Périodes à l’étranger

Expérience fréquente chez les cadres. Deux cas principaux :

  • Vous restez affilié au régime français (détachement) : les cotisations continuent, vos trimestres et points sont acquis normalement.
  • Vous cotisez au régime du pays d’accueil : tout dépend des accords internationaux. Avec l’UE, et certains pays (Canada, États-Unis, etc.), les périodes peuvent être prises en compte pour le taux plein mais pas toujours pour le montant.

Conséquence pratique : une longue expatriation mal préparée peut créer des trous de carrière dans le régime français et réduire la pension, surtout si rien n’est compensé (rachat, retraite supplémentaire d’entreprise, etc.).

Bonus, primes et variable : quel impact réel ?

Beaucoup de cadres sont payés avec une grosse part variable. Mauvaise nouvelle : pour la retraite de base, seule la rémunération soumise à cotisations dans la limite du plafond compte. Le super bonus à 50 000 € passe donc mal dans le calcul de base.

En revanche :

  • pour l’Agirc-Arrco, toute la rémunération brute soumise à cotisations compte, y compris les primes et bonus, dans la limite de 8 fois le PSS ;
  • certains éléments (intéressement, participation) n’entrent pas dans l’assiette si vous les placez sur un plan d’épargne salariale.

Autrement dit : le variable gonfle surtout votre retraite complémentaire, pas la retraite de base.

Périodes de chômage de cadre : perte sèche ou opportunité ?

Le chômage indemnisé permet de :

  • valider des trimestres pour la retraite de base ;
  • obtenir des points gratuits à l’Agirc-Arrco.

Mais ces périodes sont moins généreuses que l’activité salariée :

  • le Salaire Annuel Moyen pour la retraite de base ne sera pas amélioré par ces années ;
  • le nombre de points Agirc-Arrco acquis est souvent inférieur à ce que vous auriez obtenu en emploi.

Cependant, pour un cadre senior au chômage en fin de carrière, rester indemnisé jusqu’à l’âge de la retraite peut permettre de :

  • valider les derniers trimestres manquants ;
  • éviter une décote définitive.
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Temps partiel en fin de carrière : un choix risqué ?

Le passage à temps partiel en fin de carrière est tentant. Mais attention :

  • si votre salaire tombe sous le plafond de la Sécurité sociale, votre SAM peut baisser ;
  • vous validez toujours 4 trimestres si vous dépassez le seuil annuel, mais votre moyenne salariale peut en pâtir ;
  • vos points Agirc-Arrco seront plus faibles, puisque basés sur un salaire réduit.

Il existe des dispositifs de temps partiel avec surcotisation (employeur + salarié cotisent comme si vous étiez à temps plein). Cela permet d’amortir l’impact sur la retraite. Peu de cadres les demandent, par manque d’information.

Rachat d’années d’études : intéressant pour un cadre ?

Les cadres ont souvent fait des études longues. Les années de fac, d’école de commerce ou d’ingénieur ne valident pas toujours de trimestres. D’où l’option du rachat de trimestres.

Le dispositif de rachat Fillon permet de :

  • racheter jusqu’à 12 trimestres (années d’études supérieures, années incomplètes) ;
  • améliorer soit le taux, soit la durée d’assurance, soit les deux.

Pour un cadre avec un revenu élevé, le coût peut être important (souvent plusieurs milliers d’euros par trimestre). L’opération devient intéressante si :

  • vous pensez partir avant 67 ans ;
  • il vous manque quelques trimestres pour éviter une décote ;
  • vous êtes encore loin de la retraite et pouvez amortir le coût sur plusieurs années.

Combien faut-il viser ? Ordres de grandeur pour un cadre

En pratique, la pension d’un cadre dépend de trois grandes variables :

  • la longueur de la carrière cotisée ;
  • le niveau de salaire sur les 25 meilleures années ;
  • le nombre de points Agirc-Arrco accumulés.

Quelques ordres de grandeur (hors cas extrêmes) :

  • cadre avec carrière incomplète, interruptions, salaires moyens : 1 600 à 2 200 € net / mois ;
  • cadre confirmé, carrière assez stable, salaires confortables : 2 200 à 3 200 € net / mois ;
  • cadre dirigeant, longue carrière, forte rémunération : 3 500 à 5 000 € net / mois, parfois plus avec des retraites supplémentaires d’entreprise.

Comment un cadre peut-il optimiser sa future retraite ?

On ne maîtrise pas tout, mais plusieurs leviers restent actionnables :

  • Vérifier son relevé de carrière régulièrement : erreurs de trimestres, années manquantes, points Agirc-Arrco non pris en compte… Cela arrive plus souvent qu’on ne le pense.
  • Anticiper les fins de carrière : négocier un maintien de la rémunération, éviter des années « creuses » dans les 25 meilleures années, réfléchir avant un temps partiel mal calibré.
  • Utiliser les simulateurs officiels (Info-Retraite, Agirc-Arrco) dès 45-50 ans pour ajuster vos choix : départ anticipé, cumul emploi-retraite, rachat de trimestres.
  • Négocier les dispositifs de retraite supplémentaire (article 83, PER d’entreprise, etc.) au moment de vos prises de poste clés. Pour les cadres dirigeants, c’est souvent là que se joue la vraie différence à long terme.
  • Penser au décalage de départ : un an de plus peut faire sauter le malus Agirc-Arrco, augmenter le nombre de points et améliorer sensiblement votre niveau de vie à la retraite.

La question « Combien touche un cadre à la retraite ? » n’a pas de réponse unique, mais elle n’a rien d’une loterie. Avec une bonne compréhension des mécanismes, un suivi régulier de votre carrière et quelques arbitrages stratégiques, la retraite devient un sujet que l’on pilote, et non que l’on subit.