
Pourquoi votre demande d’augmentation ne doit rien au hasard
Demander une augmentation n’est ni un caprice, ni un aveu de faiblesse. C’est un acte normal de gestion de carrière. Pourtant, beaucoup de salariés attendent trop longtemps, se présentent mal… et repartent frustrés.
Une chose est sûre : on ne « mérite » pas une hausse de salaire, on la négocie. Et une négociation se prépare. Avec des arguments, un bon timing et un discours structuré.
Voyons comment transformer une conversation potentiellement gênante en échange professionnel et constructif.
Quand demander une augmentation de salaire ? Le bon timing
Le bon argument au mauvais moment reste un mauvais argument. Avant même de parler chiffres, vérifiez le contexte.
Moments généralement favorables :
- Après un succès concret : projet livré, client signé, objectif dépassé. C’est le moment où votre valeur est la plus visible.
- Lors de l’entretien annuel : c’est le rendez-vous naturel pour parler performance, objectifs… et rémunération.
- Après une évolution de poste réelle : vous encadrez une équipe, gérez un budget, prenez plus de risques… sans changement de salaire.
- À l’issue d’une période d’essai réussie : si votre niveau de contribution dépasse clairement le scope initial.
Moments à éviter autant que possible :
- Période de crise aiguë dans l’entreprise : plan social, pertes importantes, gel des embauches officialisé.
- Juste après un échec majeur : projet raté, conflit non résolu, avertissement formel.
- Lors d’un pic de stress pour votre manager : clôture comptable, gros appel d’offres, deadline critique.
Astuce simple : si vous avez un doute, posez la question à votre manager sans parler d’augmentation tout de suite :
« J’aimerais que l’on prenne un temps prochainement pour faire un point sur mon rôle, mes missions et mes perspectives dans l’entreprise. Quand serait-ce le plus pertinent pour vous ? »
Vos arguments pour une augmentation : parler valeur, pas besoins
Votre loyer augmente ? Vos charges explosent ? C’est difficile, mais ce ne sont pas des arguments de négociation. Votre employeur paie une contribution, pas une situation personnelle.
Ce qui convainc un manager :
- Vos résultats chiffrés : CA généré, coûts réduits, délais raccourcis, satisfaction client améliorée.
- Votre impact concret : problèmes résolus, projets structurants, process optimisés.
- Vos nouvelles responsabilités : management, gestion de budget, périmètre élargi.
- Votre rareté sur le marché : compétences pénuriques, double expertise, certification recherchée.
- Votre implication durable : fidélité, polyvalence, capacité à prendre le relais en cas d’urgence.
Exemples d’arguments solides :
- « En 12 mois, j’ai augmenté le chiffre d’affaires du portefeuille de 18 %, soit +240 000 € supplémentaires pour l’entreprise. »
- « J’ai structuré le process d’onboarding, ce qui a réduit le temps d’intégration des nouveaux de 3 à 2 mois. »
- « Depuis janvier, je gère l’équipe support (4 personnes) en plus de mon périmètre initial. »
Ne dites pas : « Je travaille beaucoup ». Dites : « J’ai pris en charge X, Y, Z supplémentaires, ce qui a permis A, B, C ».
Se positionner par rapport au marché : combien demander ?
Pour être crédible, votre demande doit être cohérente avec votre fonction, votre expérience et votre secteur. On ne demande pas 20 % « au feeling ».
Où trouver des repères de salaire :
- Baromètres de salaires (Robert Half, Hays, Michael Page, Apec, Indeed, Glassdoor, Welcome to the Jungle).
- Discussions confidentielles avec des pairs (anciens collègues, réseau LinkedIn, associations professionnelles).
- Retours de recruteurs : certains partagent volontiers les fourchettes qu’ils observent sur le marché.
Trois règles simples :
- Demander une fourchette réaliste, pas un chiffre isolé tombé du ciel.
- Rester dans une zone de 5 à 15 % d’augmentation dans la plupart des cas, sauf changement majeur de poste.
- Intégrer le package global : variable, primes, avantages, télétravail, jours de congés…
Formulation possible :
« Au regard de mon expérience, de mes responsabilités actuelles et des études de rémunération sur notre secteur, une rémunération entre 50 000 et 55 000 € brut annuel me semble alignée avec le marché. »
Préparer votre dossier : ne venez pas les mains dans les poches
Une demande d’augmentation se prépare comme un rendez-vous client. Vous ne venez pas improviser.
Avant l’entretien, préparez :
- Une liste de réalisations clés sur les 12 à 24 derniers mois (avec chiffres quand c’est possible).
- Des preuves concrètes : mails de remerciements, feedbacks clients, reporting, indicateurs.
- Une évolution claire de votre poste : « avant / après » en termes de missions et responsabilités.
- Votre objectif financier (minimum acceptable, objectif souhaité, idéal).
- Des leviers alternatifs si la hausse immédiate est impossible (formation, variable, promotion, jours de télétravail…).
Structurez votre discours en trois blocs :
- 1. Rappel des faits : votre parcours, vos missions.
- 2. Mise en avant des résultats : ce que vous avez apporté.
- 3. Demande chiffrée : ce que vous souhaitez et pourquoi.
Modèle de mail pour demander un entretien sur votre rémunération
On ne demande pas une augmentation par mail, on demande un rendez-vous pour en parler. Voici un modèle adaptable :
Objet : Demande d’entretien – évolution de mon poste et de ma rémunération
Bonjour [Prénom du manager],
Je souhaiterais que nous prenions un moment pour faire un point sur mon rôle, mes missions et mes perspectives au sein de l’équipe.
Au cours des derniers mois, mon périmètre a évolué et j’ai eu l’occasion de contribuer à plusieurs sujets structurants (notamment [projet 1], [projet 2]). Il me semble important que nous puissions échanger sur cette évolution et sur la manière dont ma rémunération peut être alignée avec ces nouvelles responsabilités.
Seriez-vous disponible pour en discuter lors d’un rendez-vous de 30 minutes dans les prochains jours ?
Merci d’avance pour votre retour.
Cordialement,
[Votre prénom et nom]
[Votre poste]
Objectif : annoncer le sujet clairement, sans dramatiser, et montrer que vous abordez la question comme un professionnel.
Que dire en face-à-face ? Modèle de discours pour négocier
Le jour J, l’important n’est pas de réciter un texte, mais d’avoir un fil conducteur. Voici une trame que vous pouvez adapter.
1. Poser le cadre positivement
« Merci de prendre ce temps. Je suis content(e) de mon rôle au sein de l’équipe et des projets sur lesquels j’interviens. J’aimerais aujourd’hui faire un point sur l’évolution de mon poste et de ma rémunération. »
2. Rappeler l’évolution de votre poste
« Depuis [date], mon périmètre a significativement évolué. Initialement, j’étais en charge de [missions de départ]. Aujourd’hui, je gère également [nouvelles missions, management, projets]. »
3. Mettre en avant vos résultats
« Concrètement, sur les douze derniers mois, j’ai pu apporter [X] :
– [Exemple 1 avec chiffre ou impact]
– [Exemple 2]
– [Exemple 3]
Ces éléments ont eu un impact sur [CA, satisfaction client, organisation, délai, qualité…]. »
4. Formuler clairement la demande
« Au regard de ces éléments, il me paraît cohérent de repositionner ma rémunération. En me basant sur les études de salaires de notre secteur et les responsabilités que j’assume aujourd’hui, une rémunération de [X €] brut annuel me semblerait alignée. Comment voyez-vous les choses de votre côté ? »
5. Se taire et laisser votre manager répondre
Ne remplissez pas le silence. Votre interlocuteur a besoin de temps pour réagir, questionner, objecter.
Gérer les objections les plus fréquentes
Votre manager ne va pas forcément dire oui immédiatement. Anticiper les objections vous évite de tomber des nues.
Objection 1 : « Le budget est bouclé pour cette année. »
Réponse possible :
« Je comprends les contraintes budgétaires. Dans ce cas, est-ce que nous pouvons envisager un plan d’évolution clairement défini, avec une revalorisation à partir de [mois / année] si les objectifs convenus sont atteints ? »
Objection 2 : « Tout le monde est au même niveau sur ce poste. »
Réponse possible :
« Justement, mon rôle actuel dépasse le cadre standard du poste, notamment sur [management, projets transverses, expertise spécifique]. C’est pour cela que je souhaite que l’on regarde plutôt mon périmètre réel que l’intitulé de mon poste. »
Objection 3 : « Tu fais bien ton travail… mais c’est ce qu’on attend de toi. »
Réponse possible :
« Je comprends. Ce que je souhaite mettre en avant, ce n’est pas seulement l’exécution de mes tâches, mais l’impact au-delà de la fiche de poste : [donner des exemples précis]. »
Objection 4 : « Ce n’est pas le bon moment. »
Réponse possible :
« Je l’entends. Quel serait, selon vous, le bon moment pour réouvrir ce sujet ? Et quels objectifs devrais-je atteindre d’ici là pour justifier cette évolution ? »
L’idée n’est pas de forcer, mais de sortir du flou : un « non » temporaire peut devenir un « oui » futur, si les critères sont clairs.
Si la réponse est non : transformer le refus en plan d’action
Un refus immédiat n’est pas forcément une impasse, à condition de ne pas repartir les mains vides.
Questions utiles à poser :
- « Quels sont les éléments qui manquent aujourd’hui pour justifier, selon vous, une augmentation ? »
- « Quels objectifs concrets puis-je viser sur les 6 à 12 prochains mois ? »
- « Pouvons-nous formaliser ces objectifs et prévoir une date précise pour refaire un point ? »
- « Y a-t-il d’autres leviers possibles à court terme : variable, prime exceptionnelle, formation, évolution de titre, périmètre plus stratégique ? »
Ensuite, envoyez un mail récapitulatif :
« Suite à notre échange de ce jour, je récapitule ce que nous avons convenu :
– Objectifs à atteindre d’ici [mois/année] : [objectif 1], [objectif 2]…
– Possibilité de réévaluer ma rémunération à cette échéance si ces objectifs sont atteints.
Merci encore pour le temps accordé et pour votre retour. »
Ce mail crée une trace. Le sujet ne disparaît pas dans un tiroir.
Et si rien ne bouge ? Penser stratégie de carrière
Il existe des entreprises où les salaires évoluent à la marge, quels que soient vos efforts. Rester trop longtemps dans ce type d’environnement peut bloquer votre progression.
Quelques signaux d’alerte :
- Vous entendez systématiquement les mêmes excuses, sans engagement concret.
- Votre rémunération est largement en dessous du marché malgré plusieurs années de bons résultats.
- Les promotions et augmentations vont toujours aux mêmes profils, selon des critères peu transparents.
Dans ce cas, la question n’est plus seulement : « Comment négocier une augmentation ? » mais : « Mon employeur actuel est-il le bon levier pour ma progression salariale et de carrière ? »
Parfois, la meilleure négociation salariale se fait… en changeant d’entreprise. Les statistiques de marché le confirment : les plus fortes hausses de salaire interviennent souvent lors d’un changement de poste externe.
À vous de décider si vous voulez continuer à négocier en interne, ou activer aussi le marché pour reprendre la main sur votre trajectoire.
