Un arrêt maladie longue durée pose presque toujours la même question : « Combien vais-je toucher, et pendant combien de temps ? » Derrière cette inquiétude légitime, le système français mélange indemnités de la Sécurité sociale, maintien de salaire par l’employeur, conventions collectives, mutuelles et prévoyance. Résultat : beaucoup de salariés ne savent pas réellement à quoi s’attendre.
Dans cet article, on fait le tri. Objectif : vous permettre d’anticiper l’impact financier d’un arrêt longue durée, de comprendre vos droits et de limiter les mauvaises surprises.
Arrêt maladie longue durée : de quoi parle-t-on exactement ?
Avant de parler de salaire, il faut clarifier les notions. En pratique, on parle souvent « d’arrêt longue durée » pour :
Mais attention : l’expression « longue durée » n’a pas exactement la même signification pour :
C’est ce qui rend le sujet complexe. Pour y voir clair, il faut d’abord comprendre le socle : les indemnités journalières de la Sécurité sociale (IJSS).
Comment la Sécurité sociale calcule vos indemnités journalières ?
Les indemnités journalières sont la base de votre revenu pendant un arrêt maladie. Elles ne compensent jamais 100 % de votre salaire. Leur calcul dépend de deux paramètres :
1. Le salaire de référence
Pour un arrêt maladie classique (hors accident du travail ou maladie professionnelle), la Sécurité sociale prend en compte :
On calcule un salaire journalier de base :
Salaire journalier de base = (Total des 3 derniers salaires bruts) / 91,25
Exemple concret :
2. Le pourcentage appliqué
En arrêt maladie non professionnel, l’indemnité journalière (IJSS) est en principe égale à :
Dans notre exemple :
Sur un mois de 30 jours, cela représente environ 1 248 € bruts, au lieu de 2 500 € de salaire brut.
3. Le délai de carence
La Sécurité sociale applique un délai de carence de 3 jours pour un arrêt maladie classique :
Conséquence : pour un arrêt court, la perte peut être importante. Pour un arrêt longue durée, ces trois jours restent marginalement importants, sauf si l’employeur les compense (convention collective, accord d’entreprise, etc.).
Maintien de salaire par l’employeur : quelles règles ?
Les IJSS ne sont qu’une partie de l’histoire. Dans beaucoup de cas, l’employeur doit compléter pour limiter votre perte de revenu.
Le Code du travail (article L1226-1) prévoit un dispositif de maintien de salaire, sous conditions :
Si ces conditions sont réunies, l’employeur doit (sauf dispositions plus favorables) :
Important : ces montants incluent les IJSS. L’employeur complète donc ce que paie la Sécurité sociale pour arriver aux pourcentages prévus.
Concrètement, comment ça se passe sur votre fiche de paie ?
Résultat : votre net à payer peut baisser, mais largement moins que si vous n’aviez que les IJSS.
Le rôle de la convention collective et de la prévoyance
Le Code du travail fixe un minimum. Votre situation réelle dépend de deux autres piliers :
1. Les conventions collectives
Beaucoup de conventions collectives sont plus généreuses que la loi. Elles peuvent prévoir :
Exemple fréquent : dans certaines conventions du secteur tertiaire, un cadre avec plus de 3 ans d’ancienneté peut être maintenu à 100 % de son salaire pendant trois mois, voire plus.
2. La prévoyance
La prévoyance intervient généralement :
Dans les faits, la prévoyance permet souvent de remonter le niveau global de revenu (IJSS + employeur + prévoyance) à un niveau plus confortable, par exemple :
Point de vigilance : tous les salariés ne bénéficient pas d’une prévoyance identique. Et dans certaines petites structures, il n’y en a tout simplement pas, ou seulement pour les cadres.
Arrêt maladie longue durée : combien de temps êtes-vous indemnisé ?
Les indemnités de la Sécurité sociale ne sont pas illimitées. Il existe des plafonds de durée, avec deux grands cas de figure.
1. Maladie « classique » (hors ALD)
En clair : si vous enchaînez des arrêts de quelques semaines pendant trois ans, vous pouvez atteindre ce plafond.
2. Affection de longue durée (ALD)
À l’issue de ces périodes, si votre état de santé ne permet pas la reprise :
L’impact sur votre rémunération devient alors plus lourd. C’est un moment clé pour faire le point avec votre RH, votre médecin du travail et éventuellement un conseiller en évolution professionnelle.
Cas pratiques : combien touchez-vous vraiment ?
Pour rendre le sujet concret, prenons trois profils. Les montants sont simplifiés pour illustrer.
Cas 1 : salarié non cadre, 2 000 € brut, 2 ans d’ancienneté, convention peu favorable
Avec le minimum légal de maintien de salaire :
Résultat : passé les premiers mois, le revenu chute nettement.
Cas 2 : cadre, 3 500 € brut, 6 ans d’ancienneté, convention avantageuse + prévoyance
Convention collective :
Concrètement :
Impact : la baisse existe, mais elle reste limitée, ce qui permet de faire face plus sereinement à l’arrêt longue durée.
Cas 3 : salarié sans ancienneté (moins d’1 an), 1 800 € brut
Ici, pas de maintien légal de salaire par l’employeur (sauf dispositions plus favorables de la convention).
Résultat : la perte financière est très forte, souvent plus de 40 % du salaire net.
Les erreurs fréquentes qui coûtent cher
Sur le terrain, les mêmes erreurs reviennent. Elles aggravent l’impact financier de l’arrêt.
À l’inverse, un salarié informé peut limiter la casse en agissant tôt.
Comment anticiper et protéger votre rémunération ?
Vous ne choisissez pas toujours de tomber malade. En revanche, vous pouvez préparer le terrain, surtout si vous savez que vous avez une pathologie lourde ou un risque identifié.
1. Faire un audit rapide de votre protection actuelle
2. Faire ses calculs avant d’être en arrêt longue durée
Vous n’avez pas besoin de viser la précision au centime près. L’objectif est d’avoir un ordre de grandeur :
Cet exercice est inconfortable, mais beaucoup moins douloureux que de le découvrir « en live » au deuxième mois d’arrêt.
3. Évaluer l’intérêt d’une prévoyance individuelle
Si votre entreprise ne propose pas de prévoyance suffisante, ou si vous êtes indépendant, une prévoyance individuelle peut :
Comme toujours en matière d’assurance, l’idéal est de s’y pencher avant que le risque ne se concrétise, car après un diagnostic lourd, les assureurs peuvent refuser, exclure certaines pathologies ou majorer fortement les tarifs.
Carrière, image professionnelle et arrêt longue durée : quelques repères
Au-delà du salaire, un arrêt longue durée a un impact sur votre trajectoire professionnelle. Là aussi, mieux vaut être lucide.
1. Non, vous n’avez pas à « culpabiliser »
Le salarié en arrêt est protégé. L’employeur ne peut pas le sanctionner pour le seul fait de son arrêt, ni le pousser à revenir contre l’avis médical.
En revanche, l’employeur a le droit de :
2. Garder un lien raisonné avec l’entreprise
Selon votre état de santé, il peut être utile de :
Ce lien facilite le retour, mais il ne doit jamais se faire au détriment de votre santé. Votre priorité reste votre rétablissement.
3. Anticiper une réorientation si nécessaire
Dans certains cas, la reprise sur le même poste n’est plus possible :
C’est là que les dispositifs d’accompagnement deviennent précieux :
Le lien entre santé et carrière est souvent sous-estimé. Pourtant, un arrêt maladie longue durée peut être un point de bascule professionnel. Autant le préparer avec les bonnes informations, plutôt que le subir.
En résumé, votre salaire en arrêt longue durée dépend de cinq facteurs clés : vos droits à la Sécurité sociale, votre ancienneté, votre convention collective, votre prévoyance et la durée totale de l’arrêt. Prendre le temps de les connaître avant d’y être confronté n’est pas du luxe : c’est une forme de gestion de risque… et un vrai réflexe de professionnel.
