
Souvent méconnue du grand public, l’anthropologie est pourtant une discipline fascinante et essentielle pour comprendre l’être humain dans toute sa complexité. Mais au-delà des clichés du chercheur isolé dans une jungle lointaine, que signifie réellement devenir anthropologue aujourd’hui ? Et surtout, quelles études suivre pour exercer ce métier à la croisée des sciences humaines, sociales et parfois même du monde de l’entreprise ?
Qu’est-ce que l’anthropologie, concrètement ?
L’anthropologie est l’étude scientifique de l’humain, dans ses dimensions biologiques, culturelles, sociales et historiques. Elle analyse les comportements, les rites, les structures familiales, les systèmes de croyance ou encore les organisations sociales. Son champ est transversal : elle croise souvent la sociologie, la linguistique, l’ethnologie et même la biologie.
On distingue plusieurs grands courants : l’anthropologie culturelle, physique, sociale, linguistique, et plus récemment, l’anthropologie appliquée ou urbaine. Par exemple, un anthropologue peut tout aussi bien étudier les rituels d’une tribu isolée que les pratiques de management dans une multinationale. Cela élargit considérablement le champ des débouchés.
Pourquoi se lancer dans des études d’anthropologie ?
La réponse dépend de vos aspirations. Certains y viennent par passion pour les cultures du monde, d’autres par intérêt pour la recherche ou le développement international. Mais il y a une réalité qu’on ne répète pas assez : l’anthropologie développe une compétence redoutablement utile dans le marché de l’emploi actuel — la capacité à observer, analyser et comprendre l’humain dans son environnement.
Une organisation, une marque, ou un service public a tout intérêt à intégrer une réflexion anthropologique dans ses choix stratégiques. Comprendre comment les gens fonctionnent, au-delà des chiffres, est devenu un atout de plus en plus recherché, notamment dans les domaines du marketing, de l’UX design, du RH ou du développement durable.
Quelles formations pour devenir anthropologue en France ?
En France, il existe un parcours universitaire assez classique pour devenir anthropologue, articulé autour de trois grandes étapes :
- Licence en anthropologie (ou en sociologie, sciences humaines ou ethnologie)
- Master en anthropologie (recherche ou appliquée)
- Doctorat pour ceux qui visent l’enseignement supérieur ou la recherche académique
Voici les formations les plus reconnues à ce jour :
- L’Université Paris Nanterre propose des cursus complets en anthropologie sociale et ethnologie.
- L’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) à Paris offre un environnement particulièrement riche pour les étudiants en anthropologie, avec un fort accent sur la recherche.
- L’Université de Strasbourg, de Toulouse, ou Lyon 2 sont également des pôles importants dans le domaine.
- Certains IEP (Instituts d’Études Politiques) intègrent également des modules ou parcours en anthropologie politique.
Un conseil simple mais essentiel : bien étudier les programmes. Certaines formations sont très orientées « recherche », d’autres sont tournées vers l’anthropologie appliquée, avec des débouchés plus larges dans le privé ou l’associatif.
Anthropologue : un métier aux multiples visages
Historiquement, l’image de l’anthropologue reste attachée à l’académique. En effet, une grande partie des diplômés s’orientent encore vers la recherche publique, les laboratoires universitaires ou l’enseignement.
Mais cette voie est aujourd’hui de plus en plus sélective. Les postes dans le supérieur sont rares, les financements pour la recherche difficilement accessibles et soumis à des logiques de projet. Un master, à lui seul, ne garantit pas un emploi stable. Le doctorat devient vite un passage obligé… mais il faut être prêt à s’y investir quatre à six années minimum.
Heureusement, les profils d’anthropologues trouvent aussi leur place hors des murs de l’université. Voici quelques secteurs où l’expertise anthropologique est en forte demande :
- Organismes humanitaires et ONG : pour analyser les besoins locaux, évaluer l’impact de projets de terrain ou adapter les interventions culturelles (ex : Médecins du Monde, Croix-Rouge, Handicap International).
- Marketing et études de marché : les entreprises cherchent à comprendre les comportements de consommation, les usages réels, les attitudes sociétales (ex : agences de design, bureaux d’étude, laboratoires en innovation sociale).
- Aménagement territorial et urbanisme : pour intégrer une vision socio-culturelle lors de la création ou transformation de quartier, dans les collectivités locales ou cabinets de conseil.
- Technologies et UX design : les grandes firmes (Google, Microsoft, Orange…) recrutent des profils en sciences humaines pour améliorer l’expérience utilisateur, comprendre les usages, tester des produits.
Un exemple marquant : un ancien étudiant en anthropologie de Lyon 2 travaille aujourd’hui chez Decathlon, dans l’équipe innovation, pour observer et analyser les comportements des clients sur les terrains de sport. Ce type de profil hybride séduit de plus en plus.
Compétences clés et qualités requises
Étudier l’anthropologie, ce n’est pas simplement empiler des unités d’enseignement théoriques. C’est développer des compétences rares :
- Capacité d’observation et sens de l’analyse
- Adaptabilité à des contextes variés (terrain, culture, langue)
- Excellente maîtrise de la rédaction et de la synthèse
- Utilisation d’outils d’enquête (entretiens semi-directifs, immersion terrain, sociogrammes, etc.)
- Capacité à restituer les résultats de manière opérationnelle pour des décideurs
Autrement dit, un bon anthropologue n’est pas seulement un curieux ou un globe-trotter. Il est un professionnel aguerri de l’analyse socio-culturelle, capable de restituer avec précision une situation complexe, d’unifier une vision et de dégager des pistes d’action concrètes.
Les pièges à éviter
Se lancer dans des études d’anthropologie sans stratégie peut s’avérer risqué. Il faut se poser les bonnes questions dès le départ :
- Souhaitez-vous vous orienter vers la recherche ou vers le terrain opérationnel ?
- Êtes-vous prêt à passer plusieurs années sans certitude de débouchés dans l’université ?
- Avez-vous identifié des masters ou des stages qui vous permettront de vous spécialiser dans un secteur porteur ?
Certaines formations manquent aussi d’accompagnement à l’insertion professionnelle. Il est donc crucial de capitaliser sur les stages, les mémoires appliqués, les réseaux (associations, colloques, publications). Comme dans beaucoup de carrières dites “vocationnelles”, la passion ne suffit pas. Il faut une stratégie claire, un réseau actif, et souvent un profil complémentaire : double compétence en communication, en analyse de données, en digital ou en gestion de projet peut faire toute la différence.
Alternatives et doubles formations judicieuses
L’anthropologie offre une base solide pour des carrières hybrides. Voici quelques combinaisons très recherchées sur le marché :
- Anthropologie + UX Design (via des formations courtes complémentaires en design ou ergonomie)
- Anthropologie + Santé publique (idéal pour travailler dans l’innovation médicale ou l’éducation à la santé)
- Anthropologie + Communication interculturelle (utile dans les affaires internationales et les relations diplomatiques)
- Anthropologie + RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises)
Ce type de profil attire de plus en plus d’entreprises, car il allie capacité d’analyse fine et orientation opérationnelle. Dans un monde où la diversité culturelle et les enjeux humains deviennent centraux, l’anthropologue trouve de nouvelles voies à explorer.
Combien gagne un anthropologue ?
Commençons par la vérité : les rémunérations varient énormément selon le secteur d’activité. Dans le secteur académique, les doctorants perçoivent une rémunération autour de 1 500 € net mensuels, parfois moins hors financement. Un enseignant-chercheur débute autour de 2 000 € à 2 400 € net.
Dans le domaine privé ou associatif, les salaires peuvent grimper :
- Chargé d’études sociologiques en cabinet : entre 2 300 € et 3 000 € net
- Consultant en stratégie interculturelle : autour de 4 000 € net selon l’expérience
- Anthropologue intégré à une équipe UX/innovation : jusqu’à 4 500 € net chez certains grands groupes
Tout dépendra de vos spécialisations, de votre réseau, de vos capacités à transformer vos compétences en valeur ajoutée concrète pour un employeur. Encore une fois, une double compétence change la donne.
Au final, étudier l’anthropologie, c’est beaucoup plus qu’un simple choix académique. C’est un engagement intellectuel et éthique, mais aussi une porte d’entrée vers des métiers variés, aussi bien dans la recherche que dans l’innovation en entreprise. À condition de bien préparer son parcours et de rester ancré dans les réalités du monde professionnel.